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Posted: 27 Mar, 2022 @ 1:52pm
Updated: 7 Jun, 2024 @ 7:10am

Jonathan Blow. Edmund McMillen. Toby Fox. Eric Barone. David Münnich. Si plusieurs de ces noms te sont familiers, alors tu sais d’ores et déjà ce que je m’apprête à dire : au nombre des personnes ayant conçu seules une œuvre magistrale, sinon totalement, du moins en grande partie, s’ajoute désormais celui d’Andrew Shouldice. Et pour cause, Tunic, c’est lui !

Savoir qu’un tel bijou est en substance le fruit du travail d’un seul individu, voilà qui force l’admiration. Décortiquons-le, ce fruit, tu comprendras mieux. D’abord vient la peau. Une peau délicate, soyeuse, au doux parfum de nostalgie, façon Legend of Zelda - A Link to the Past. Avec tout ce qui la caractérise, à savoir une esthétique sobre et mignonne (en vue isométrique, il va sans dire), au service d’un monde fantastique plein de mystères. Et de son héros juvénile, carrément paumé, au point qu’il commence son aventure à moitié à poil.

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Voilà pour l’emballage. Enfin la peau, c’est bien gentil, mais comme on dit outre-manche : « beauty is only skin deep ». Alors épluchons la bête, histoire de voir ce qu’elle recèle. En passant, je te conseille d’abandonner tout espoir de rencontrer dorénavant plus que l’ombre d'un elfe en kilt vert. Le bougre s’est chié dessus avant de décaniller fissa, pour aller se terrer dans sa bicoque au pied du château… Après la peau vient donc la chair. Et tiens-toi le pour dit : la chair de ce fruit-là aura plutôt le goût d’un Dark Souls. De fait, on peut leur trouver certaines similitudes.

Soyons clairs, la série Dark Souls n’a pas inventé ce que je vais t’énumérer. Néanmoins, elle reste le porte-étendard d’une formule aisément reconnaissable, y compris pour qui – oui, je l’assume – n’y a jamais goûté. Entre autres ces feux de camp, ici des autels, auxquels on restaurera santé, magie et contenu des potions. La gestion de la mort aussi, encore que Tunic se révèle beaucoup plus indulgent quant à la quantité de monnaie éventuellement perdue. À cela s'ajoute l’exigence des combats (toutes proportions gardées), en particulier contre les boss, conjuguée à la gestion de l’endurance. Mis bout à bout, ces éléments sont une preuve de filiation difficilement contestable.

Ne fais pas comme moi l’erreur de prendre Tunic pour un petit a-rpg gentillet, tu risquerais de déchanter… J’y suis allé franco, équipé en tout et pour tout d’un bâton, pour me prendre une rouste mémorable. Heureusement, on range vite le bâton au profit d’une épée (à peine plus efficace, cependant), avant que n'arrive le bouclier, qui constituera un abri commode à bien des égards. En résumé, Tunic assez peu. Pour tout dire, ce serait plutôt l’inverse, si j’en crois l’heure qu’a passé le premier boss à me violer. Et pour ta gouverne, il n’existe qu’un seul mode de difficulté.

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Enfin non, c’est inexact. Tu trouveras dans les options une catégorie cheat accessibilité, où te sera proposé d'activer : 1) l'endurance infinie ; 2) l'invincibilité. De quoi tuer le jeu en fait, au propre comme au figuré. Hélas, c’est là que le bât blesse… Pourquoi ce tout ou rien ? Pourquoi notre petit renard devrait-il passer de l’état de dieu à celui de paillasson ? De deux choses l’une : soit il suffisait d’intégrer une difficulté intermédiaire, par exemple en réduisant les dégâts des boss (c’est bel et bien là qu’ont lieu les pics), soit il fallait assumer ce statut de jeu exigeant, quitte à perdre une partie de son audience. En bref, une absence d’entre-deux un peu regrettable.

Edit : Ce mode invincible est néanmoins très intéressant. Depuis maintenant plus d'un an, il permet au fiston - 7 ans bientôt - d'y jouer régulièrement. Il adore !

Cela étant dit, par bien des aspects, à commencer par le level design, Tunic tient du génie. Le bonhomme use de la vue isométrique d’une manière diablement efficace ! Comprends par là qu’il t’arrivera – c’est inéluctable – de passer dix fois près d’un raccourci sans jamais ni le voir ni soupçonner qu’il existe. Sauf que le cours du jeu te fera l’emprunter dans l’autre sens, pour un effet « putain, comme je me suis fait avoir… » garanti. Bien sûr, tout comme moi, tu jureras qu’on ne t’y reprendra plus, que tu feras bien attention à l'avenir. Oui, oui, c’est ça…. Une heure plus tard : « putain, comme je me suis fait avoir… encore ! ».

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Outre ces raccourcis se dissimule dans les angles morts de la perspective une palanquée de passages secrets, lesquels débouchent invariablement sur un trésor. À l’intérieur attendent sagement monnaie, consommables et composants, moyennant quoi pourront être améliorés l’attaque, la défense, la santé et la magie, l’endurance ou encore la quantité et l’efficacité des potions. De quoi prendre un peu d'assurance face aux trashs mobs. Note bien que verrouiller l’ennemi modifie sensiblement ton point de vue, ce grâce à quoi tu seras capable de débusquer certains de ces secrets.

Ici, la taille du monde est inférieure de beaucoup à celle d’un Legend of Zelda - A Link to the Past (a fortiori si l'on inclut son pendant ténébreux). Si l'univers de Tunic n’est guère vaste, force est pourtant d’admettre qu’il jouit d’une densité proprement étonnante. Andrew Shouldice s’est à l’évidence démené pour mettre ce modeste monde en valeur, notamment en employant chacun de ses recoins. J'en veux pour preuve que l’exploration, aussi limitée soit-elle, est toujours récompensée. Et le génie ne s’arrête pas là !

En fait, le véritable coup de maître vient d’ailleurs. Au gré de ton aventure, tu trouveras les pages d’un manuel obscur (façon jeux vidéos des années 90), rempli d’un alphabet cryptique. Lequel te fournira néanmoins quantité d’informations précieuses : des bribes du lore ; des schémas expliquant le gameplay ; les endroits à visiter, leurs cartes et les spécificités des ennemis qu’on y rencontre ; des allusions à divers secrets. Certaines de ces pages se répondent pour mieux nous tenir en haleine. D’autres sont innocemment annotées au stylo, sans parler des tâches de café. Autant de petites touches d’authenticité qui sont du meilleur effet.

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En plus de faire vibrer la corde nostalgique du quarantenaire que je suis, ce manuel s’insère dans le jeu d’une façon si naturelle et ingénieuse que c’en est confondant. Plus qu’un outil, c’est un fil conducteur. Mais revenons à notre fruit, veux-tu ? Nous l’avons d’abord épluché, après quoi nous avons dégusté sa chair jusqu’à la dernière bouchée. Ne reste que le noyau – bon à jeter, te dis-tu sans doute. Détrompe-toi, il est comestible. Qui plus est, il offre des saveurs radicalement différentes de celles que tu auras goûtées jusqu’alors. Au rang des influences, exit Dark Souls, place à The Witness.

À ce titre, le manuel jouera un rôle plus central encore, preuve s’il en est que le bonhomme a un sacré talent. En un mot, je serais franc : bois ce nectar jusqu’à la lie, faute de quoi tu risques de ne pas saisir l’ampleur de son génie. Pour conclure, j’ignore si Tunic fera date, mais une chose est sûre : j’attends la prochaine production d’Andrew Shouldice avec une impatience difficile à contenir.

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7 Comments
Berserkr 22 Sep, 2022 @ 11:17am 
Comme je te plains... C'est vrai que ça gâche (voire détruit, en l'occurrence) totalement le plaisir de la découverte.
Sahokan Kenohmy 22 Sep, 2022 @ 5:49am 
Ce qui m'embête c'est que j'ai découvert le jeu en regardant une vidéo de 40 minutes de TheGreatReview qui dévoile et explique le scénario du jeu et ce qu'il se passe.

Le problème c'est que si j'avais su que le jeu avait un aussi grand génie avant de croiser la vidéo, je l'aurais surement découvert par moi-même, mais du coup, vu que je connais ses secrets ça ne risque plus d'être une surprise ni une découverte pour moi et j'en suis franchement dégoûté et j'aurais aimé du coup ne jamais regarder cette vidéo qui avait été retwetté par Sardoche
Berserkr 29 Mar, 2022 @ 11:49am 
*Votre altesse (si du moins j'ai bien saisi le jeu de mot derrière l'homme). :mothuglife:
Berserkr 29 Mar, 2022 @ 11:48am 
Héhé, merci beaucoup !

Au départ, j'envisageais de me contenter d'une évaluation laconique basée sur ce gimmick. Et puis... j'ai réalisé que ça ne lui rendrait pas justice.
Corel Maar 29 Mar, 2022 @ 9:51am 
Mais quelle excellente critique d'un quarantenaire à un autre! Tu m'as convaincu et bravo pour ton "Tunic assez peu" qui m'a bien fait rire.
Berserkr 27 Mar, 2022 @ 2:49pm 
Et - c'est à souligner, en ces temps où les jeux non finis sont monnaie courante - l'absence totale de bugs, en ce qui me concerne.
Berserkr 27 Mar, 2022 @ 2:07pm 
Faute de place, je n'ai pas pu mentionner (entre autres...) la variété des ennemis, les approches possibles pour les boss, les musiques, qui sont d'excellente facture, les quelques mécaniques cachées ou encore la présence du NG+.